Barbara Hendricks a commencé à chanter dans l’église de son père, pasteur, aux États-Unis. « J’y chantais sans penser à faire carrière. C’était un plaisir pour moi et pour ceux qui m’écoutaient. Le plus important, à l’époque, était d’obtenir un diplôme. » Alors Barbara s’engage dans des études scientifiques : mathématiques et chimie… décrochant une licence. « Aujourd’hui encore, de petites méthodes mathématiques me servent à mémoriser et apprendre la musique quand elle est difficile ! Les sciences apprennent l’humilité : les chercheurs sont conscients de tout ce qu’ils ne savent pas. »
50 ans de scène
« J’ai commencé la musique à l’école à douze ans. J’ai appris le piano, je ne pourrai pas donner un concert mais je joue suffisamment bien pour étudier mes partitions. »
Elle étudie ensuite à la Juilliard School of Music de New York avec Jennie Tourel. « Sans elle, je ne serai pas devenue qui je suis aujourd’hui. Elle m’a appris, en plus du chant, la curiosité car son répertoire était très varié. » C’est en 1974 « que, pour la première fois, j’ai été payée pour chanter à l’opéra. » Le succès viendra ensuite.
Et, depuis trente ans, Barbara Hendricks est aussi invitée dans les festivals de jazz, comme à Montreux, en 1994 !
Votre meilleur souvenir de scène ?
« C’est toujours le dernier concert ! Chaque concert est absolument unique ! Le public, les artistes ne sont jamais les mêmes. Nous sommes influencés par la température extérieure, comment nous nous sentons, comment nous sentons les spectateurs et comment ils se sentent aussi… C’est ça qui est extraordinaire, chaque soir est différent, mais chaque soir nous partageons des émotions !
Le 31 décembre 1993, j’ai été invitée par l’orchestre de Sarajevo qui par cette action résistait à la guerre. Les musiciens jouaient alors qu’ils manquaient de tout. Faire de la musique ensemble a engendré énormément d’émotions. »
Celle qui vous a le plus impressionnée ?
« C’était en Espagne. Dans un souterrain. Je suis claustrophobe et il y avait de nombreuses marches à descendre. C’était humide, des gouttes tombaient sur le piano… C’était un peu angoissant. Mais, pendant le concert, j’étais très bien, tout s’est très bien passé ! Malgré tout, quand je suis ressortie, j’étais contente de retrouver la lumière naturelle ! »
Manque-t-il un rôle à votre répertoire ?
« Non, je suis chanceuse car j’ai eu de très beaux rôles. J’ai aussi joué avec de grands chefs d’orchestre, comme Léonard Bernstein, Daniel Barenboim, et de grands pianistes, comme Michel Dalberto ! (NDLR : il a joué au Festival de musique de Sully et du Loiret avec Renaud Capuçon en 2019) J’ai beaucoup de gratitude pour la carrière que j’ai eu ! »
Avez-vous le trac ?
« Non, pas vraiment. Certains de mes collègues sont malades physiquement, il faut presque les pousser pour qu’ils entrent en scène… puis, tout va bien.
Moi, je me prépare beaucoup, je travaille beaucoup, c’est une exigence que j’ai. Je suis très rigoureuse ! Ainsi, je suis assez sûre de moi. »
Quel souvenir du tournage du film La bohème de Luigi Comencini ?
« J’ai vraiment beaucoup aimé ! C’est une expérience extraordinaire ! On prend le temps de travailler, répéter… c’est un vrai luxe. »
Quels sont vos projets ?
« Je suis retraitée depuis une dizaine d’années. Je donne encore quelques concerts partout dans le monde parce que j’aime ça ! Je m’occupe aussi de mes petits-enfants et de mon potager. Je cultive des tomates, courgettes et concombre… »
Après votre venue en 1993 et 2015 au Festival de Sully, que ressentez-vous cette année ?
« Je suis très contente de retrouver un public qui me suit… j’espère que je vais rencontrer les enfants et petits-enfants de ceux qui sont venus m’écouter la première fois !
Ce festival est un bon souvenir : les lieux sont magnifiques. C’est la belle saison : il fait beau ! Je me réjouis d’avance, ça me fait très plaisir d’y participer !
Je donnerai un programme qui raconte mon histoire, avec la musique qui a accompagné la lutte pour l’égalité et la justice aux États-Unis. Je chanterai le blues qui est le frère jumeau du gospel : l’un est profane et l’autre sacré, mais ce sont mes racines !
Des spectateurs m’ont dit que ce récital était aussi un message d’amour et de paix. Et c’est vrai ! »